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1940- La résistance de la ligne Maginot
 

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Cet article est extrait de l’Histoire de l’artillerie française, sous la direction de Michel de Lombarès.

La résistance de l’artillerie de forteresse

L’artillerie de forteresse montra une remarquable efficacité, même lorsque les ouvrages furent attaqués par l’arrière, après le repli (par ordre) des troupes d’intervalle, le 14 juin 1940. Aucun ouvrage fortifié muni d’artillerie, ou pouvant être couvert par l’artillerie d’un ouvrage voisin, ne céda.

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L’ouvrage de Fermont, durement attaqué, en donne un exemple. Depuis que le secteur de Marville et celui de Montmédy situés à sa gauche, avaient été entièrement évacués (ouvrages compris) par la IIè Armée, Fermont (ouvrage du secteur de la Crusnes, voisin de Longuyon), était le plus à l’ouest des ouvrages toujours occupés de la ligne Maginot. Les tirs de son artillerie gênaient considérablement les mouvements allemands dans les secteurs évacués et sur la route de Metz en arrière des ouvrages.

Désirant avoir leur liberté de mouvement vers Metz, le 21 juin les Allemands attaquent l’ouvrage par l’arrière avec un énorme appui d’artillerie : une batterie de 4 mortiers de 305 (tchèques), 3 mortiers de 210, 6 batteries de 105 et 2 batteries de 88 [1], pendant que des canons antichars de 47 (tchèques) et de 37 prennent sous leur feu les blocs d’entrée au sud de l’ouvrage.

Le bombardement commence à l’aube ; les cloches d’observation et les tourelles de mitrailleuses sont touchées par des obus de 88 : un tué, des blessés. Les tourelles sont éclipsées et ne subissent aucun dommage. Lorsque les premiers assaillants approchent du réseau, le tir allemand cesse. Alors les tourelles se lèvent, les casemates ouvrent le feu, la tourelle de 75 tire à mitraille. Les 75 de l’ouvrage de Latiremont, situé à l’est, renforcent par leur feu celui de Fermont, si bien que les assaillants se replient. Au début de l’après-midi, des officiers allemands porteurs de drapeaux blancs viennent solliciter une trêve pour relever les quelque 80 tués ou blessés gisant devant le réseau. Le capitaine Daniel Aubert commandant l’ouvrage accède à leur demande. Le journal de marche de la 161è division allemande constate : « La tentative sur Fermont a échoué et la reprise de l’attaque est interdite... L’artillerie, y compris le 305, n’a pas d’efficacité contre cette fortification. »

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Dans le secteur de Boulay, les ouvrages du Michelsberg et du Mont des Welches sont, le 22 juin, les objectifs d’une division allemande dont l’artillerie et les antichars sont renforcés d’une batterie de 88 antiaérien. Ses reconnaissances sur les arrières ont dû refluer avec des pertes : l’attaque se fera, pour une fois, par l’avant. À l’aube, des troupes d’attaque se mettent en place dans le village de Dalstein. Le capitaine de Saint-Sauveur, commandant l’artillerie du Michelsberg, fait tirer sur le village et ses abords, non seulement par son ouvrage et par le « Welches », mais aussi par l’artillerie des deux ouvrages encadrants, le Hackenberg et Anzeling. Chez les assaillants l’infanterie est dispersée et, dans un groupe d’artillerie, le commandant du groupe, deux commandants de batterie et 2 officiers de l’état-major du groupe sont hors de combat. La mise en place est à reprendre et l’attaque doit être retardée.

A 16 heures, la batterie de 88 tire, de loin, sur les blocs avant du Michelsberg ; une façade bétonnée est légèrement dégradée, des cloches sont touchées mais non percées. À 16 h 30, un officier allemand et un interprète s’avancent sous couvert du drapeau blanc. Ils demandent la reddition, qui leur est refusée.

On leur fait constater, avant qu’ils partent, que l’effet du tir a été insignifiant. Leur général s’obstine, et fait reprendre le tir du 88, mais sans plus de résultat. Les deux ouvrages concentrent alors, à nouveau leurs tirs d’artillerie sur Dalstein.

Le général allemand veut faire reprendre l’attaque par l’arrière en plaçant les 88 à 1 000 mètres derrière l’ouvrage ; on lui objecte que, de ce côté, on ne peut approcher que très difficilement à 3 000 mètres sous le feu de l’artillerie. L’attaque est alors décommandée. Le Groupe d’armées donne même l’ordre « de ne plus lancer d’attaque contre les ouvrages ».

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Dans la région fortifiée de la Lauter,le secteur des Basses-Vosges, qui a seulement des casemates et des blockhaus sans artillerie, est attaqué le 19 juin par la 215è division allemande disposant d’un fort appui d’artillerie, notamment d’un mortier de 420 mm de 1914, tiré du musée de la firme Krupp, et d’un mortier de 355 mm, tous deux en position hors de portée du canon des ouvrages. Elle dispose aussi d’avions de bombardement en piqué.

Malgré une violente préparation, l’attaque est bloquée par l’artillerie des ouvrages de l’est d’où le Four à Chaux et le Hohwald-ouest [2] tirent de toutes leurs pièces. Ces ouvrages sont alors soumis au tir, réglé par ballon, des mortiers de 355 et de 420, en vain. L’attaquant fait enfin appel aux Stukas ; des blocs sont touchés, sans dégâts majeurs. Pris à partie par des tirs antiaériens tendus par chaque ouvrage au-dessus de l’autre, les avions ne peuvent descendre bas pour lâcher leurs bombes. Cependant la protection des casemates a cessé ; elles tombent successivement. Les Allemands parviennent, vers Reichshoffen, sur les arrières de la ligne fortifiée. Là, ils sont très gênés, dans leurs mouvements par l’artillerie des ouvrages, qui est intacte et qui tire. Le 21 juin, les bombardements aériens reprennent sur le Hohwald-est et le Schoenenbourg (son voisin à l’est) avec des bombes de 1 000 kilogrammes qui viennent de sortir d’usine. Malgré des impacts sur la superstructure des ouvrages, les blocs d’artillerie reprennent leur feu. Alors, 420 et 155 essaient à nouveau de les faire taire, mais sans plus de succès. Au contraire, le 22 juin l’artillerie des deux ouvrages détruit des convois, des batteries en marche ou en position, des colonnes d’infanterie. Le 23, continuant à bloquer, sur les arrières, des mouvements vers l’est, elle arrête une attaque d’infanterie venant du sud. Le 24 juin, le Four à Chaux détruit 2 pièces de 150 repérées aux lueurs et met en désordre des colonnes d’infanterie. Les canons du Schoenenbourg tireront le 24 au soir jusqu’à l’heure exacte du cessez-le-feu. Le rapport de la 215è division allemande appréciera ainsi l’artillerie française : « La précision de ses tirs est déconcertante. Les canons à tir rapide des tourelles à éclipse sont particulièrement efficaces et gênants. »

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Les ouvrages refuseront d’ouvrir leurs portes jusqu’au jour (30 juin) où des officiers français viendront leur en porter l’ordre écrit signé du général Huntziger, chef de la délégation française à la commission d’armistice.

[1] Le 88 antiaérien appartenait à l’armée de l’air allemande, mais était employé comme antichar ou anti béton, faute d’objectif aérien.

[2] L’ouvrage du Hohwald, du secteur de Haguenau, comporte deux demi-ouvrages, l’un sur la pente est, l’autre sur la pente ouest.


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