Histoire de l’Artillerie, subdivisions et composantes. > 2- Histoire des composantes de l’artillerie > L’artillerie du Repérage et de l’Acquisition : renseignement d’artillerie. > 0- Historique du Repérage > II- Le Repérage de 1940 à nos jours > 2- Le Repérage et la guerre moderne : adaptation et mutation >
B- La mutation par le Radar
 

1. Le radar et l’Artillerie

a. Historique du procédé

Le principe du Radar consiste à émettre un faisceau d’ondes hertziennes (radioélectriques) à la vitesse de la lumière (300000 km/s) pendant un laps de temps très court. Les ondes radioélectriques atteignent un obstacle dont la surface les renvoie par réflexion vers l’émetteur. L’obstacle ou l’objet est ainsi détecté. Un tel mécanisme paraît simple mais, pour être activé, il nécessite la connaissance et la maîtrise de phénomènes complexes : la vitesse de la lumière ; les ondes acoustiques, magnétiques, radioélectriques, les mesures métriques, puis centimétriques de ces dernières qui permettront par calcul de donner la durée de l’aller et du retour des ondes afin de déterminer la distance entre l’émetteur et l’objet détecté. Si l’on considère que l’application du système Radar est le résultat d’une conjonction d’un certain nombre de techniques et de sciences, on comprend qu’il a fallu une trentaine d’années pour qu’il soit opérationnel sur le plan strictement militaire.

Ce concept, reposant sur le même système que le projecteur, date de l’année 1911. L’écrivain et scientifique, H. GERNSBACK décrit dans son roman d’anticipation "RALPH 124C41Y’ un équipement proche du Radar actuel. GERNSBACK a-t-il eu vent des recherches de l’allemand Hulfmeyer qui le premier en 1904 s’intéresse aux ondes radioélectriques ?

Durant le conflit 1914-1918, grâce et sur l’initiative du chercheur P. LANGEVIN, on commence à détecter les sous-marins à l’aide d’émissions d’ultra-sons perceptibles uniquement lorsqu’ils rencontrent un obstacle. En 1925, les savants américains BREIT et TRUVE tentent les premières expériences de réflexions électromagnétiques (afin de vérifier l’hypothèse selon laquelle la couche située dans la haute atmosphère est en permanence électrifiée). Trois ans plus tard, P. DAVID, un chercheur français, élabore un système de détection d’aéroplanes électromagnétiques, système qu’il valide en 1934 au Bourget où son appareil permet d’acquérir, jusqu’à cinq mille mètres, le survol d’un avion. En 1930, M. PONTE crée le premier radar, le magnétron, un générateur d’oscillations électriques à très haute puissance. Avec l’aide d’un autre savant, H. GUITTON, il équipe le paquebot Normandie d’un système analogue capable de signaler les moindres obstacles.

Le système Radar se perfectionne alors considérablement avec la mise au point de l’oscillographe cathodique. L’oscillographe permet de transformer tout signal électrique en phénomène lumineux, de sorte que tout écho électromagnétique vient s’inscrire sur un écran de télévision, permettant de même le calcul des distances. M. PONTE, instigateur de l’industrie électronique, directeur général, puis PDG, de THOMSON-CSF de 1960 à 1968, confie, en mai 1940, son magnétron aux Forces anglaises, qui lui donnent une destination militaire pendant la bataille d’Angleterre.

Conscients de détenir une arme révolutionnaire, les anglais équipent rapidement leurs côtes de stations RADAR (RAdio Detecting And Ranging, soit détection et télémétrie radio).Ces stations sont munies d’émetteurs très puissants, les SCR 584 [1] et SCR 784, fruit des recherches anglaises menées par Waston WATT.

Elles repèrent la chasse allemande avant qu’elle ne survole la Manche, régulent le trafic aérien allié et guident les avions de chasse amis vers leur cible. Ces stations sont aussi responsables de la destruction des trois quarts des V1 envoyés sur Londres. L’artillerie, en particulier la DCA et l’artillerie de campagne, est également équipée de Radars, ce qui conduit la DCA à détruire huit appareils sur dix entrant dans son rayon d’action.

C’est donc pendant le deuxième conflit mondial que le radar acquiert ses lettres de noblesse, servant aussi bien sur terre, dans le ciel que sur mer. Parce que l’évolution technique des matériels ne permet que trop rarement le repérage à vue, les alliés développent les radars de guet. En 1943, la mise au point des mesures centimétriques accroît les capacités de repérage du radar. Sur mer, les radars détectent désormais les sous-marins allemands grâce à leurs périscopes non immergés. Les ondes centimétriques offrent dès lors la possibilité de mesurer la différence de fréquence dans l’écho d’un même train d’ondes (effet DOPPLER et FIZEAU) et donc de calculer la vitesse de déplacement d’un engin.

b. Intervention dans l’Artillerie et le Repérage

L’anecdote veut que les liens entre les radars et l’artillerie datent de 1943. Dans la région d’Anzio, un opérateur de radar anti-aérien américain surveille ses écrans. Soudain, apparaissent et disparaissent plusieurs échos donnant une trajectoire bien étrange pour un avion : les radaristes viennent de se rendre compte pour la première fois que leur technique autorise le repérage des trajectoires d’obus et donc de la position des lanceurs.

Dès la fin de la seconde guerre, la technique radar est connue de tous. Comme les autres armes, l’artillerie ne tarde pas à reprendre à son compte ce nouveau moyen pour le perfectionner selon ses désirs et l’adapter à ses missions spécifiques. Les artilleurs et les repéreurs ne se trompent pas en adoptant le radar car c’est bien la solution adéquate aux nouvelles données techniques et géostratégiques : mobilité croissante des objectifs, extension en profondeur de la zone ennemie à traiter et donc à observer, réduction des délais de réaction dans un contexte d’affrontement nucléaire ou le moindre mouvement de l’adversaire peut s’avérer décisif.

La technique radar arrive à point pour succéder aux moyens classiques défaillants. Au départ, les radars ne sont chargés que de suppléer aux carences des SRS et des SROT puis bien vite, ils les remplaceront purement et simplement. Le radar reprend et assure toutes les missions confiées aux repéreurs : acquisition d’objectifs de contre-batterie par poursuite des trajectoires des projectiles, surveillance générale du champ de bataille par détection des objectifs mobiles, réglage de tir par observation des éclatements et même détermination topographique. Par rapport aux procédés classiques, il présente les avantages de demander moins de travaux topographiques, moins de liaison, moins de personnel et moins de délais de mise en service. En outre, il permet de franchir cette fameuse distance de vingt kilomètres en profondeur au-delà de laquelle SRS et SROT, à moins de conditions très favorables, deviennent totalement impuissantes.

On peut globalement distinguer deux catégories de radar :

  • les radars anti-mortiers doivent repérer les pièces ennemies à tir courbe (mortiers et obusiers) en reconstituant la partie visible de la trajectoire des projectiles,
  • les radars de surveillance du sol ont pour mission la détection, la localisation et éventuellement l’identification des objectifs en mouvement.

Le concept apparaît durant la guerre d’Algérie où des radars de DCA aménagés ont baissé leur vue sur le sol. Installés sur des points fixes, choisis dans des régions peu accidentées et présentant la même netteté que l’espace aérien comme le sud Oranais, ils permettent de balayer une zone frontalière et font office de barrage. Ainsi, le radar COTAL (Conduite de Tir de l’Artillerie Lourde) de 1952, détecte un objectif à soixante-quatre kilomètres et le poursuit à partir de quarante-cinq kilomètres. A cette occasion, est instauré le couplage d’un système radar et d’une batterie de tir par l’intermédiaire d’un préparateur de tir HF 90 qui analyse les données radar et pointe par télécommande les pièces d’artillerie.

Les systèmes issus de cette première expérience se multiplient et intègrent les régiments d’artillerie ordinaires qui détiennent alors leurs propres moyens de repérage à leur échelon. Pour en revenir au radar de surveillance au sol proprement dit, il fonctionne par l’effet DOPPLER-FIZEAU ; lorsque l’onde émise rencontre un objectif en mouvement, la fréquence de l’onde réfléchie change et se transcrit sur l’écran par un papillonnement de l’écho accompagné d’un son musical. Des filtres appropriés éliminent tous les échos d’objectifs fixes pour ne conserver que ceux des objectifs mobiles.

c. Limites et facteurs d’évolution

La longue évolution du radar depuis le début du siècle ne s’interrompt pas en 1950. Au sein de l’artillerie, les besoins changent et le radar doit continuellement s’adapter et repousser ses limites, limites d’ailleurs assez nombreuses au début. Tous les nouveaux modèles et les améliorations techniques ont pour but non seulement d’améliorer les portées et l’efficacité de ce moyen mais aussi de résoudre peu à peu les problèmes.

Certaines conditions climatiques (pluie, neige) et les troubles électriques (foudre) gênent considérablement le fonctionnement du radar. De la même manière, les ondes radar, ultracourtes, sont arrêtées par la végétation, les constructions, les crêtes. En fait, il est astreint aux mêmes limites et aux mêmes angles morts que la vision directe. D’où la nécessité d’implanter les radars sur des observatoires élevés et dégagés mais qui les rendent encore plus vulnérables.

La précision des mesures doit être constamment améliorée : si la mesure des distances peut être excellente, les renseignements en gisement et en site sont souvent moins précis. De plus, les projectiles d’artillerie offrent des propriétés de réflexion très différentes suivant leur présentation par rapport au radar, et la détection est donc plus ou moins bonne. Enfin, les projectiles à très grande vitesse ne peuvent être suivis et les radars de trajectographie ne repèrent normalement que les obusiers et non les canons. Dans le cadre de la surveillance terrestre l’opérateur ne peut repérer que les objectifs en mouvement et un adversaire immobile est indétectable.

Le radar est un moyen actif et par essence indiscret : contrairement aux SRS et aux SROT à fil, ses missions le rendent détectable par la radiogoniométrie et sensible au brouillage. Les missiles sol-sol antiradar sont d’ailleurs mis au point très tôt par les américains qui maîtrisent les contre-mesures électroniques.

Les problèmes d’encombrement et de mise en œuvre sont les mêmes que pour tous les autres systèmes : les repéreurs recherchent sans cesse à rendre leur matériel plus maniable, moins visible, plus rapide, plus pratique et moins fragile pour coller aux réalités du champ de manœuvre.

Le radarage, comme toutes les techniques nouvelles, ne se forge que progressivement une doctrine d’emploi. Celle établie pour les moyens traditionnels de repérage est à reconsidérer totalement.

Les améliorations des systèmes radars de l’artillerie et la succession des nouveaux modèles, suivent les grandes lignes de cette évolution.

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[1] Faisant suite au SCR 268.


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