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B. Dole Camp et l’attente
 

Dole Camp et l’attente

1. Des visites

Dans la première semaine passent successivement Mgr DUBOST évêque aux armées, puis le général Janvier et M. de Charrette ministre des affaires étrangères. Cette dernière visite de contact avec les armées sur le territoire, se termine précipitamment à Split lorsque le ministre reçoit confirmation de l’offensive croate sur les Kraïjna.

Malgré cela, le GA a juste le temps de montrer les AuF1 au ministre et à la presse qui est surprise et dubitative de l’expédition de ces canons en Bosnie.

Le groupe doit s’installer pour durer. Seul 80 hommes restent à Ploce et les autres avec un PC de circonstance sont installés à D. Camp. Sans y être désagréable, la vie à D. Camp est loin de tout et il faut maintenir le contact et les informations d’heures en heures. Les convois sont toujours différés.

La vie à Ploce devient plus tendue ; le GA empiète sur la vie du Detalat dans un espace réduit. Les demandes effectuées auprès des britanniques pour agrandir la zone sont refusées. Pire encore, ils demandent l’évacuation des rames de véhicules en attente depuis leurs parkings pour faire des travaux puis s’y mettre. Négociations ...

Dernier avatar, la carrière reprend ses tirs et il faut déplacer les munitions. Elles reviennent au port malgré l’avis défavorable du Cdt ONU. Les propositions d’occupation d’une usine ou d’un terrain extérieur échouent de la faute des croates qui veulent gêner la BMN.

La visite suivante est celle du général CCFR qui vient aussi à Dole Camp prendre la température. Nos soucis lui sont rapportés mais il ne peut faire grand chose. Nous recevrons toutefois bientôt les gilets pare-balles demandés.

Le travail quotidien porte sur la vérification technique des véhicules, les perceptions de munitions de l’armement léger et l’ouverture des comptabilités SA et ST. Un foyer annexe est ouvert, l’ordinaire est mis en route et le vaguemestre commence son travail. Les rotations entre Dole Camp et Ploce sont nombreuses et à toutes heures. Les convois théoriques sont maintenant définis en totalité. Leur ordre sera fixé en fonction des circonstances. Dimanche 13 août, challenge sportif à Dole Camp pour tous. Natation et course à pied. Détente et repas en commun. La cohésion n’est pas qu’un objectif ; ça aide dans les moments difficiles.

La dernière visite est celle des autorités civiles et militaires du port. Civils croates, général commandant la 24° airbome GB et le colonel ONU commandant la base. Incompréhension feinte probablement du problème de stockage des munitions qui finalement restent sur place.

Commentaires :
Les difficultés à Ploce résident essentiellement dans le manque de préparation et de coordination qui a laissé contre notre gré les britanniques envahir la zone portuaire. Le plan 40104 prévoyait sa mise à disposition des forces françaises et le CCFR aurait probablement dû y maintenir une équipe permanente après le débarquement de la BMN en juin. Dans l’intervalle la 24 Brigade GB s’est positionnée...

D’autre part le cas des munitions est caractéristique. En transit pour quelques jours ou quelques semaines, la zone réservée à cet effet sur le port n’aurait jamais dû être donnée aux bivouacs GB. Le représentant du CCFR (un commissaire commandant) sur place capable de négocier de petites actions, jusqu’à des locations d’emprise, est bien seul et faible face aux 4000 britanniques qui promettent et font réaliser plusieurs millions de $ de travaux sur le port !

Le GA commence son parcours comme le reste de la BMN par l’usage quotidien du forceps pour obtenir le minimum vital. Les incompréhensions sont nombreuses dans le pays mais aussi grandes au sein de l’ONU !

2. Une reconnaissance et des questions

Pendant que le GA se prépare à partir sans perspective de date précise, le chef de corps, le capitaine commandant la batterie de tir, un sous-officier reconnaissance et un officier du TC2 partent sur Igman en hélicoptère pour une reconnaissance de 24 heures. Le contraste entre la côte méditerranéenne et les montagnes très « vosgiennes » d’Igman est saisissant. Contact préliminaire avec le PC tactique de la BMN, puis escorte avec un officier français de la cellule artillerie et le second du 19°RA GB. Visite des sites déjà occupés et de la zone de déploiement possible pour les 155. Bilan pas très brillant car la DMZ d’Igman ne laisse guère de facilités et les unités y sont déjà nombreuses. Pour la batterie la solution d’attente est acceptable à D. GRBAVICA, pour les PC du groupe, une solution est viable au col de JAVORAK, mais pour le TC2, la proposition en altitude me chiffonne. Eloignée du reste, avec des problèmes de liaisons VHF et une piste en terre, je demande à occuper plutôt la zone de la raquette de Babindol où la légion vient d’arriver. Une fiche en ce sens sera fournie au Cdt de la BMN. Les contacts avec le 19°RA et le BatFra (2°REI) laissent entendre la possibilité de faire du bon travail.

Commentaires :
Excellent accueil au sein de la BMN qui attend avec impatience ses 155. Les britanniques sont très contrits de n’avoir pas encore ouvert le feu alors que les mortiers de la légion ont tiré dès juillet du fumigène puis des tirs d’efficacité sur les Serbes qui harcelaient la piste d’Igman.
Le chef de corps du 19 RA GB se demande comment il sera possible de travailler ensemble. Je vois les choses avec simplicité, en recherchant les fondements du métier d’artilleur : du feu à partir des renseignements et des trajectoires. Pour les procédures, je crois qu’il faut jouer la souplesse. Les néerlandais sont très embarrassés, avec du matériel dispersés dans les convois et des difficultés nombreuses de logistique. Ils dépendent organiquement des anglais, c’est le seul point clair. Leçon habituelle : il vaut mieux être les premiers que les derniers arrivés. Je crains dès ce moment que nous n’ayons qu’une marge réduite de liberté dans notre installation.

3. Un plan de déploiement

Le sujet suivant à l’étude est l’organisation des appuis au sein de la brigade et leurs relations avec le secteur de Sarajevo. Premier principe le contrôle des feux appartient à la BMN et une sorte de CCAR y est constituée (Fire Support Coordination. Center ou FSCC).

Second principe, l’acquisition des objectifs et les données d’actualités et d’environnement venant en partie de Sarajevo, une cellule est créée au PC du secteur (SSVO) à PTT Building, armée par la BMN et reliée doublement (Fr et GB) avec le PC tactique. Elle s’appelle Target Acquisition Cell (TAC). Elle est sous la responsabilité d’un colonel artilleur, en alternance avec le FSCC. Dernier principe, les autorisations d’ouverture du feu de l’artillerie sont données par l’intermédiaire du secteur. Après un débat assez long et l’échange de fax, cette proposition trouve l’accord de SSVO, de la BMN et de RRFOS (cellule de planification de la FRR qui pilote le targeting).

Restent en suspens la coordination air-sol et l’organisation pratique du groupement opérationnel Igman (GOI) qui intègre le bataillon N°5 d’Igman (FreBat 5).

Commentaires :
Les relations entre la BMN et SSVO et le BAT 5 en particulier sont détestables. Mauvais exemple devant les étrangers. La cause en vient en partie au moins d’un défaut d’informations objectives et réciproques et probablement aussi d’une lutte de compétence sur la zone Igman, sur la responsabilité des feux et enfin aussi d’une jalousie du secteur qui admet mal le rôle opérationnel donné à la BMN et qu’il aurait aimé avoir (mais avec quels moyens ?).
Cette ambiance très dure se traduit par de multiples tracasseries que l’histoire jugera. Il est certain que la présence de britanniques au sein de la BMN gêne le secteur qui a pris l’habitude de travailler en « franco-français » les domaines sensibles et se trouve sur ce point en butte au commandement de l’UNPROFOR (BH Command) tenu par le général britannique R. SMITH.

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