L’organisation de l’Artillerie > Tome B- Approches détaillées > 7- Organisation du XXème siècle > 26- Les guerres de décolonisation : Afrique du Nord 1954-1962 > Témoignage d’un ancien à de jeunes officiers avant leur départ en Algérie. >
4- L’ARTILLEUR PACIFICATEUR
 

L’ARTILLEUR PACIFICATEUR

Après ce tour d’horizon rapide de l’artilleur "canonnier" en ALGERIE, le tableau ne serait pas complet si l’artilleur "pacificateur" n’est pas évoqué, car il ne s’agit pas là d’une tâche mineure. A part sur le barrage où elle ne cesse de s’accroître, l’activité des canons ne cesse de diminuer à l’intérieur. Il ne faut pas oublier non plus que nous avons affaire en ALGERIE à une guerre subversive. Dans cette forme particulière de guerre, le but final n’est pas le succès ou l’insuccès des formations régulières, c’est la conquête de la population elle-même ; il faut obtenir son adhésion complète aux idées qu’on lui propose. Ce n’est pas la seule action des organismes spécialisés qui peut atteindre cet objectif ; il faut la participation de tous les éléments au contact de la population. L’artilleur se doit donc de participer à cette tâche en y appliquant les qualités de conscience et de méthode en honneur dans l’Arme.

Que comprend donc ce travail de pacification ? Il faut d’une part soustraire la population à l’emprise des rebelles et d’autre part agir sur elle pour lui faire comprendre le sens de notre action et l’engager à nos côtés.

Soustraire la population à l’emprise des rebelles c’est rechercher à détruire en même temps ses cadres (comité de kasma - de nahia - de vilaya), ses troupes (petites bandes armées de protection et commandos terroristes), et enfin l’O.R.U. noyée au milieu de la population. Il est nécessaire d’agir simultanément contre ces divers éléments de la rébellion intérieure car ils se complètent et se soutiennent. L’O.R.U. se maintient au milieu de la population par la menace et, s’il le faut, par des représailles menées par les bandes armées. Inversement les comités et leurs bandes se reconstituent à partir de la population qui, en outre, leur fournit renseignements et ravitaillements. Le problème n’est pas simple. C’est par une action patiente de recherche de renseignements que peu à peu se dessine la trame de l’organisation et se découvrent les repaires habituels des bandes. De temps en temps on réussit à surprendre un petit élément. II faut alors agir vite et brutalement avant qu’il n’ait pu s’échapper. Ce genre de travail est surtout celui de petits éléments genre commando et, dans ce domaine, les artilleurs n’ont rien à envier aux camarades des autres armes.

Mais il faut agir aussi sur la population pour lui faire comprendre le sens de notre action puis l’engager à nos côtés. Ce n’est pas si facile que cela. La crainte des représailles, notamment, est un obstacle sérieux, surtout lorsque la population est dispersée et qu’on ne peut lui assurer une protection efficace. A cet égard les regroupements ou resserrements facilitent notre tâche, quand on a les moyens de les surveiller.

C’est en allant souvent visiter les gens que les contacts s’établissent, par exemple, à l’occasion des tournées des équipes médico-sociales, ou bien lorsqu’il faut faire des contrôles d’identité ou même simplement au cours de tournées prévues pour rechercher ce contact.

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II/1 RAMa - Soins aux enfants
© Musée de l’Artillerie de Draguignan

L’ouverture d’écoles est un excellent moyen de contact. C’est extraordinaire de voir le succès qu’elles ont, même dans le bled. Les classes sont toujours trop petites, les moyens toujours insuffisants devant l’afflux des élèves. C’est librement que les parents envoient leurs enfants à l’école. Une nouvelle classe créée, c’est immédiatement une possibilité de prendre contact avec les parents.

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1959 - 1/2 RAMa - La classe
© Musée de l’Artillerie de Draguignan

Ainsi peu à peu la confiance s’établit, les renseignements arrivent. Plus tard le village s’engagera à nos côtés ; une auto-défense sera créée et, de défensive qu’elle était au début, elle ne tardera pas à devenir offensive en participant à nos côtés à la recherche des fellagahs. Quand on en est arrivé là, la pacification est bien proche de son terme. Dans cette ambiance le rebelle ne peut se maintenir dans la région. Coupé de ses sources de renseignements et de ravitaillements il doit disparaître.

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La harka du 2/24 RA défile devant la population
© Musée de l’Artillerie de Draguignan

Mais il ne faut pas pour autant relâcher notre action à ce moment-là. C’est pour la poursuivre qu’ont été créés les bataillons de secteur et les Compagnies Support de Quartier de Pacification (C.S.Q.P.) que l’artillerie fournit en partie.

Certes nous sommes là loin de l’artillerie au sens habituel du mot. Mais il en est ainsi pour toutes les armes. C’est la forme particulière de guerre qui est menée en ALGERIE qui veut cela. Mais n’est-ce pas exaltant que de participer à la construction d’un pays nouveau avec l’aide de sa population ? Et ces contacts humains, ne peuvent-ils pas être une source d’enrichissement pour l’esprit ? L’officier affecté dans une unité de quadrillage trouve largement à s’employer et il n’est pas déçu. Sans doute doit-il se réjouir de cette affectation. II aura toujours le temps au cours de sa carrière de revenir aux problèmes spécifiques de l’arme, alors que cette expérience des problèmes humains qu’il a acquise en ALGERIE, il n’aura plus d’autre occasion de le faire.

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Au terme de cet exposé sur l’évolution qu’a subie l’emploi de l’artillerie en ALGERIE, vous avez pu constater que les activités des artilleurs sont très variées.

Comment se fait-il qu’ils ont pu s’adapter si facilement à des tâches aussi diverses et évoluer aussi aisément en fonction des besoins ?

L’explication tient dans la formation qu’a reçue l’artilleur. C’est parce qu’on lui a appris à travailler avec conscience et avec méthode, qu’on lui a enseigné à ne jamais se contenter d’un à peu près, que l’artilleur, placé devant un problème nouveau, a toujours su trouver la façon de la résoudre avec élégance. On peut affirmer, sans crainte de se tromper, qu’en ALGERIE l’artilleur fait honneur à son Arme et à l’Ecole qui l’a formé.

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