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Histoire de la création de l’armée de l’air
 

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Cet article est de Laurent Lagneau, paru dans le blog "Zone militaire OPEX360.com" et reproduit avec son aimable autorisation. Cet auteur est réputé par l’aspect pédagogique de ses articles et par sa constance dans l’information sur la Défense. A suivre !

« Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage ? », demandait le général de Gaulle. L’histoire de la naissance de l’armée de l’Air, qui fêtera ses 80 ans le 2 juillet prochain [2014], illustre les propos de l’homme du 18 juin...

La loi du 29 mars 1912 créé officiellement l’aviation militaire française et en fixe l’organisation. Il faudra cependant attendre le mois d’août de la même année pour que les décrets et l’arrêté d’application soient publiés au Journal Officiel (J.O.). Les aviateurs font alors partie de l’armée de Terre.

Pendant la Première Guerre Mondiale, l’aviation militaire française signe ses premiers faits d’armes et voit éclore en son sein des figures qui deviendront légendaires par la suite, comme Guynemer, Nungesser, Fonck et bien d’autres. À la fin des hostilités, les Britanniques innovent en fusionnant du Royal Flying Corps, alors corps aérien de la British Army et le Royal Naval Air Service en une seule entité indépendante qui prendra le nom de la Royal Air Force. Par la suite, d’autres pays suivirent ce mouvement, comme l’Italie, avec la Regia Aeronautica.

En France, l’idée de disposer d’une force aérienne indépendante fait son chemin. À la fin des années 1920, Victor Laurent-Eynac, alors ministre de l’Air, s’y emploie... Il présente 6 projets de loi... Et aucun n’aboutit. Pourquoi ? Parce que l’armée de Terre tient à son aviation. De même que la Marine. Et, bien évidemment, il y a déjà les sempiternelles questions de budget, l’une et l’autre craignant de perdre des plumes si jamais l’aviation militaire française devient indépendante.

Mais c’est surtout sur le plan de la doctrine qu’il y a des blocages. Arrivé à la tête du ministère de l’Air au début de l’année 1933, Pierre Cot est convaincu par les thèses du stratégiste italien Giulio Douhet, qui prône, dans son ouvrage « La maîtrise de l’air », ni plus ni moins que la primauté de l’aviation dans la guerre moderne, notamment avec le bombardement à vocation stratégique, lequel doit permettre d’anéantir les ressources et le moral de l’adversaire. Pour cela, il faut les moyens adaptés. Des bombardiers, bien sûr, mais aussi des avions de chasse et de reconnaissance stratégique.

Or, cette théorie est loin de faire l’unanimité dans certains cercles, notamment chez les terriens. Pour nombre d’entre eux, le rôle de l’aviation se limite à l’observation, au réglage des tirs d’artillerie et à la chasse. Toutefois, avec le soutien du général Victor Denain, un « douhetien » convaincu, Pierre Cot finit par vaincre les réticences et obtient la promulgation du décret du 1er avril 1933, qui reconnaît officiellement l’existence de l’armée de l’Air. Pour cela, il a fallu trouver un compromis et ne pas revenir sur une disposition adoptée quelques mois plus tôt permettant à l’armée de Terre et à la Marine de conserver une aviation auxiliaire ou dite de « coopération ».

Pour les marins, il est également impensable, tout comme l’état-major des forces terrestres, de se passer d’aviation. Outre-Manche, le Royal Naval Air Service n’avait-il pas été recréé en 1924 sous le nom de « Fleet Air Arm of the Royal Air Force » ? Les Britanniques, pragmatiques, décideront de refaire passer ce dernier sous le contrôle de l’amirauté en 1939.

Quoi qu’il en soit, malgré le décret du 1er avril 1933, tout n’est pas encore gagné. Quelques combats d’arrière-garde, notamment au niveau doctrinal, sont livrés en coulisse par l’état-major de l’armée de Terre, alimentés par l’intransigeance d’un général Weygand qui aura décidemment eu toujours une guerre de retard depuis 1918. En outre, tout est à faire pour organiser, équiper et fixer une doctrine d’emploi à cette jeune armée. Qui plus est, il faut en passer par le Parlement, qui a son propre agenda et Pierre Cot devra passer la main et laisser la place au général Denain. Il faudra ainsi attendre le 2 juillet 1934 pour que soit votée la loi instituant officiellement l’armée de l’Air. Dans la foulée, le plan I de rénovation et de réarmement des forces aériennes sera aussi adopté.


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