L’organisation de l’Artillerie > Tome B- Approches détaillées > 6- Organisation du XIXè siécle > A- L’artillerie du Premier Empire >
1- Organisation et emploi de l’Artillerie du Premier Empire
 
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Le 2 décembre 1804, Napoléon Bonaparte jusqu’alors Premier Consul, est consacré Empereur. Cet évènement engage la France dans une série de campagnes audacieuses au cours desquelles l’artillerie s’illustrera en de nombreuses occasions, contribuant ainsi aux glorieuses victoires de l’Empire.

Napoléon, "premier artilleur de France", pourra grâce à une artillerie puissante et manœuvrière appliquer son système de guerre en constituant aux endroits décisifs les fameuses grandes batteries capables de créer la brèche dans le dispositif ennemi.

La supériorité de l’artillerie impériale résulte à la fois de l’organisation héritée de la Révolution, des matériels conçus par le Général Gribeauval, de la qualité de l’enseignement dispensé par les écoles d’artillerie et surtout de son emploi audacieux par l’Empereur.

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Au moment où l’on parle de l’Empire, l’organisation de l’artillerie française repose sur le cadre général défini en 1801. Si, au gré des circonstances et des campagnes lointaines, celui-ci va subir quelques aménagements, il n’en sera pas pour autant remanié en profondeur. En ce sens, l’artillerie du 1er Empire prolonge l’œuvre entamée pendant la Révolution et le Consulat.

Ces périodes ont amené en effet des évolutions importantes : la militarisation des équipages chargés d’amener les bouches à feu au combat conduit à la création de véritables brigades de transport pour le déplacement de chaque compagnie d’artillerie ; l’artillerie à cheval est devenue quant à elle un corps à part entière en formant la majeure partie de l’artillerie de réserve.

La loi du 18 vendémiaire de l’an X (10 octobre 1801) édictée alors que Bonaparte est Premier Consul, fixe globalement la composition de l’artillerie au début de l’Empire. Le Corps impérial d’Artillerie comprend environ 40000 hommes qui se répartissent dans les grandes composantes suivantes :

  • l’artillerie à pied formée de 8 régiments à 2 bataillons à 10 compagnies soit 10000 hommes. Elle arme essentiellement les divisions par ses bouches à feu de calibre différent en donnant au chef les armes les plus adaptées à l’opération projetée et à la nature du terrain. Cette composante va servir également pour les sièges (Gdansk 1807 - Saragosse 1812).
  • l’artillerie à cheval qui comprend 6 régiments à 6 compagnies auxquels on peut rajouter la Compagnie d’Artillerie de la Garde (2300 hommes). Elle possède une bonne mobilité tactique et son autonomie lui confère la capacité de se porter avec la cavalerie sur les arrières de l’ennemi pour le disloquer. Elle est le plus souvent conservée en réserve ou formée en divisions d’artillerie à cheval.
  • les compagnies d’ouvriers (1000 hommes) formées d’artisan qui sont chargés fans les arsenaux de remettre en état les armes endommagées.
  • le corps des pontonniers composé de 2 bataillons à 8 compagnies (2000 hommes). Il met en œuvre les "bateaux d’artillerie" nécessaires au franchissement des moyens lourds, des canons et des caissons transportant les munitions.
  • le train composé de 8 bataillons à 6 compagnies (3600 hommes) dont la mission est de transporter les pièces et les équipages.
Artillerie de la Garde Impériale à Wagram (JPG)

On peut en outre dénombrer l’existence de 101 compagnies de garde-côtes en métropole ou outre-mer, de 18 compagnies de canonniers-vétérans et de 400 fonctionnaires pour l’entretien et la surveillance des matériels. Napoléon a pour souci constant de recompléter voire d’augmenter son nombre de pièces. La proportion d’artillerie passe ainsi d’un peu moins de 2 pièces pour 1000 hommes en 1805 à plus de 3 en 1812. On enregistre même dans le corps d’armée de Marmont jusqu’à 11 bouches à feu pour 1000hommes. L’artillerie régimentaire va renaître en 1809 (2 pièces de 3 ou 4 livres et 3 caissons mis en oeuvre par la Compagnie d’Artillerie Régimentaire) et quelques vaisseaux seront désarmés pour étoffer la puissance de feu de la Grande Armée.

Friedland 14 juin 1807 : l'artillerie de Sénarmont va faire pleuvoir 3500 coups de canons, 69000 Russes seront vaincus. (JPG)

Au gré des campagnes, les effectifs et le nombre de canons vont augmenter sensiblement ; l’artillerie comprendra plus de 100000 hommes en 1813. C’est surtout la mobilité qui est favorisée par la création supplémentaire de 19 bataillons du train des équipages. Une compagnie de train est ainsi associée à une compagnie d’artillerie pour le transport de 6 à 8 canons, l’ensemble formant une "division d’artillerie".

L’organisation de l’artillerie de l’Empire n’est pas nouvelle. Toutefois sa mobilité et l’esprit entreprenant de chefs comme Lauriston, Eblé, Lariboisière, Sénarmont ou Drouot vont faire d’une arme auxiliaire, un outil de combat complet qui joue dorénavant un rôle majeur dans toutes les phases de la bataille.

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Le rôle grandissant joué par l’artillerie dans les campagnes napoléoniennes ne fait plus douter de son indépendance. L’empereur, constatant que l’infanterie s’use, manœuvre de moins en moins avec elle et "recherche l’avantage par la puissance de feu et les charges puissantes de la cavalerie" (J.Tulard).

Bénéficiant des innovations projetées par Gribeauval, l’artillerie de l’Empire va disposer de matériels dont le rapport mobilité-puissance est amélioré et dont la manœuvre logistique est facilitée. Ceci, combiné à une meilleure instruction des personnels, dote l’armée française d’un outil performant.

Une meilleure mobilité est obtenue par l’ensemble tube, affût, avant-train et par la généralisation de l’attelage à cheval. Les tubes voient pour leur part le nombre de calibre différent se réduire. Pour l’artillerie de campagne, le canon de 6 remplace ceux de 4 et de 8 jugés, l’un insuffisamment puissant, l’autre trop lourd. De plus, ce calibre en service dans les armées autrichienne, prussienne et russe va permettre à la France de disposer au gré des victoires d’un stock de pièces et de munitions conséquent. L’unification des matériels s’accompagne d’une standardisation des roues, des essieux et des munitions en rendant plus simple la manœuvre logistique et l’instruction.

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Si ces améliorations matérielles sont sensibles, l’importance du facteur humain demeure. L’artillerie, servie depuis 1770 par des soldats spécialisés qu’on appellera désormais canonniers, se militarise progressivement. L’Empire porte une attention particulière à l’instruction et l’entraînement régulier des cadres et des canonniers afin de leur faire acquérir les savoir-faire nécessaires au service des Pièces. L’Empereur y ajoute l’obligation d’une longue période avant le passage aux grades de sous-officier, puis d’officier pour sélectionner des personnels compétents et expérimentés.

L’ingénieux système Gribeauval, conçu à partir de 1765, n’attendait qu’un maître pour optimiser son emploi. Napoléon saura trouver en lui et en les canonniers qui le ervent les artisans de ses victoires.

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Bataille d'Iéna (14 octobre 1806) (JPG)

L’originalité de l’artillerie de l’Empire relève davantage de son emploi tactique que de l’organisation et des matériels qui n’ont pas connu de changements très significatifs. Les canons sont effectivement désormais utilisés en masse, permettant en cela la concentration des feux chère à l’Empereur qui certifiait que "l’action massive de l’artillerie est seule capable d’amener la décision".

En d’autres termes et plus explicitement, Napoléon justifiait ce choix tactique en disant que "la mêlée une fois établie, celui qui a l’adresse de faire arriver subitement et à l’insu de l’ennemi sur les points les plus importants une masse inopinée d’artillerie est sûr de l’emporter. Voilà quel est le grand secret et la grande tactique". Ce principe sera mis en pratique à Wagram, à Friedland, à Borodino où furent employées des batteries de 70 à 100 pièces. L’effet de concentration des feux était certain et décisif et l’Empereur pouvait rappeler qu’ "On se bat à coups de canons comme à coups de poings, et en bataille comme au siège, l’art consiste à présent à faire converger un grand nombre de feux sur un même point".

Une deuxième évolution importante concerne la coopération artillerie-cavalerie que l’Empereur privilégie pour la rupture décisive en un point du dispositif ennemi. Dans l’offensive, les bouches à feu réunies en grandes batteries constituent un moyen très efficace pour préparer les mouvements du corps de bataille et pour l’appuyer dans sa manoeuvre. A Austerlitz, les 24 pièces d’artillerie légère de la Garde et les batteries du 4ème Corps associent leurs efforts à ceux de la division de Dragons de Boyer. L’artillerie brise les corps adverses, la cavalerie empêche leur jonction.

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L’artillerie a contribué plus que largement aux victoires de la Grande Armée. Commandée par des chefs habiles et vifs, au premier plan des quels l’Empereur en personne, celle-ci s’est affirmée comme un outil de combat à part entière dont l’importance fera dire à Napoléon qu’elle « fait aujourd’hui la véritable destinée des armées et des peuples ».

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On ne manquera pas d’aller consulter la rubrique de Monsieur Guy Scherer sur l’Artillerie à cheval de la Garde impériale.


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