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1793- La bataille de Toulon - 7 septembre au 19 décembre 1793
 

A Toulon, en 1793, un jeune capitaine d’artillerie, totalement inconnu, permet de reprendre la ville aux Anglais. Formé sur le système de canon Gribeauval, Napoleone Buonaparte montre aussi qu’il sait allier sa connaissance de l’artillerie avec une intelligence tactique et un sens politique aigu. Suite à la chute des girondins à Paris le 31 mai 1793, des insurrections éclatent à Lyon, Avignon, Nîmes ou encore Marseille. A Toulon, les fédéralistes, bourgeois dissidents, se font rapidement supplanter par les nombreux royalistes, encore présents dans la flotte de guerre, qui proclament Louis XVII roi de France. Ceux-ci font appel à la flotte anglo-espagnole de la 1re coalition qui combat la Révolution française. Le 28 aout, les premiers soldats coalisés débarquent dans la rade ; le même jour les avant-gardes françaises sont à 15 kms de Toulon. 12.000 français avec quatre pièces de 24 encerclent le port tenu par 17.000 coalisés aux ordres de l’amiral Hood. Ces forces se renforceront peu à peu jusqu’à s’établir respectivement à 32.000 et 22.000 hommes.

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Les canons de Bonaparte reprennent Toulon.
Le capitaine Bonaparte, revenu après un séjour en Corse, rejoint Nice où se trouve une partie de son régiment, le 4ème d’Artillerie. Affecté à la 17ème compagnie, il quitte Nice le 8 juillet et rejoint la division Carteaux, détachée de l’armée d’Italie pour réprimer les insurrections d’Avignon et de Marseille. Il y prend le commandement de l’artillerie d’une colonne, puis soutenu par des amis politiques, il est imposé à Carteaux pour commander l’artillerie divisionnaire.

Dès sa nomination, Bonaparte entreprend une reconnaissance détaillée des positions entourant la rade de Toulon. Celle-ci le mène à prôner, au lieu du siège méthodique de la ville, un plan qui consiste à s’emparer en priorité de la colline du Caire. Ce point haut, situé à La Seyne-sur-Mer, s’avance dans la rade au sud, séparant la petite et la grande rade, et ouvre l’accès aux forts de l’Eguillette et du Balaguier qu’elle domine. Cette position permet aussi d’appliquer des feux meurtriers sur la flotte coalisée stationnée dans la rade, interdisant ainsi tout ravitaillement. Carteaux, réticent face à l’originalité des idées de celui qu’il baptise le « capitaine canon », ne consacre à la réalisation de ce plan qu’un faible détachement qui échoue devant la colline du Caire le 22 septembre. Les coalisés prennent alors conscience, eux aussi, de l’importance stratégique des lieux et entreprennent la fortification de la colline, qui devient « Fort Mulgrave », doublée de plusieurs défenses secondaires, l’ensemble étant baptisé le « Petit Gibraltar ». Faute de pouvoir interdire la rade, Bonaparte double sa batterie dite « de la montagne » installée le 19 sur les hauteurs de Saint-Laurent, par une seconde le 21 sur le rivage de Brégaillon, appelée des « Sans-culottes » afin de tenir la partie ouest de la petite rade sous ses feux.

La flotte coalisée ne parvient pas à réduire cette dernière au silence et perd le libre usage de l’ouest de la rade. Les navires coalisés doivent donc se réfugier à hauteur du Mourillon et de Tour Royale. Suite à l’échec, le 1er octobre, du général Lapoype à s’emparer du Mont du Faron et de ses forts, il est demandé à Bonaparte de relancer l’effort sur les abords occidentaux de la rade. Il fait réquisitionner toute l’artillerie disponible et forme cinquante batteries de six canons. Pro-mu chef de bataillon le 19 octobre, il réorganise son dispositif en une grande batterie, dite de la « Convention », qu’il dispose face au « Fort Mulgrave » sur la colline des Arènes, appuyée par trois autres sur la colline Dumonceau, la butte des Gaux, et à Lagoubran.

Après le limogeage de Carteaux, le 11 novembre, par le Comité de Salut Public, qui s’impatiente, puis la démission de Doppet, son successeur le 16 après l’échec d’une tentative de prise du Fort Mulgrave, le général Dugommier prend le commandement de l’armée devant Toulon. Fort de 25 ans d’expérience aux Antilles, il apprécie la fougue et les plans du jeune Bonaparte. Il prépare alors la prise du « Petit Gibraltar ». Soutenu par son chef, Bonaparte installe cinq batteries aux noms symboliques : les « Jacobins » sur la crête de l’Evescat au sud, les « Hommes Sans Peur » à l’ouest, les « Chasse Coquins » entre les deux, la « Grande Rade » et les « Quatre Moulins » pour interdire toute intervention de la flotte coalisée en secours du Petit Gibraltar. Pris sous le feu de ces batteries, les coalisés tentent une sortie afin de desserrer l’étau. Une contre-attaque menée par Dugommier et Bonaparte les repousse et le général britannique O’hara, qui avait pris la tête de l’élément en tant que gouverneur de la ville, est capturé.

Pour hâter l’issue du siège, Dugommier, Lapoype et Bonaparte, promu colonel suite à la capture d’O’Hara, conviennent alors d’un assaut général dans la nuit du 16 au 17 décembre. Après plusieurs jours de préparation d’artillerie, à minuit, l’assaut est donné au « Petit Gibraltar ». Le corps à corps dure toute la nuit. Bonaparte est blessé à la cuisse par un sergent britannique, mais la position est prise. Au matin, les canons du lieutenant Marmont, futur aide de camp de Bonaparte en Italie, s’y installent et menacent l’Eguillette et le Balaguier. Les Anglais les évacuent sans combattre et rembarquent. Dans le même temps, Lapoype s’est emparé des forts de la colline du Faron et de Malbousquet. La ville est privée de ses défenses extérieures. Les coalisés décident de l’évacuer, non sans détruire la flotte française qui les avait accueillis, en amis, quatre mois plus tôt : neuf vaisseaux de ligne, cinq frégates et l’arsenal. Le siège de Toulon a opposé jusqu’à 32 000 français et 22 000 coalisés, causant respectivement 2000 morts et blessés et 4 000 morts. L’artillerie a pesé de façon décisive sur son issue, par ses feux, par sa manoeuvre mais aussi par la menace dissuasive de son avancée qui pousse les Britanniques à évacuer les forts de l’Eguillette et de Balaguier, après l’échec d’une sortie hasardeuse et la capture de leur chef.

Bonaparte à Toulon, les débuts d’un génie militaire et politique
Les représentants de la Convention, Augustin Robespierre dit le jeune, Gasparin et Saliceti, compatriote et ami de Bonaparte ont très largement influencé le Convention pour imposer ce jeune capitaine d’artillerie à Carteaux. Bonaparte les avait rencontré en août à Aix et leur avait fait forte impression, par sa personnalité et par ses idées, couchées sur le papier dans son Souper de Beaucaire qu’ils font diffuser à des fins de propagande. Le siège de Toulon a vu naître la légende d’un officier, passé en quatre mois du grade de capitaine à celui de général le 24 décembre 1793, à l’âge de 24 ans. Artilleur précis et fin tacticien, Bonaparte met aussi en place un style de commandement qui s’appuie sur l’esprit de corps de ses troupes dont il exalte les vertus martiales et le patriotisme. Ainsi son discours lors de la création de la batterie des « Hommes Sans Peur » : « Je vais créer la batterie des hommes sans peur, il me faut des hommes, des vrais, avec des c.... Je ne leur demanderai jamais d’aller prendre une position ennemie, mais je tiens à ce qu’ils me suivent sur cette position. Si vous êtes de ces hommes-là, levez la main ». Tous se portèrent volontaires et le portèrent en triomphe.

Pour retrouver l’intégrale de ce texte, lisez Au son du canon, vingt batailles de l’artillerie, ouvrage collectif sous la direction de Gilles AUBAGNAC, EMCC Lyon 2010, 144 p. (Disponible à la boutique du Musée de l’artillerie)

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