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Autour du LRM des capacités d’acquisition multi sensorielles
 

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Article rédigé par le LTN COURAU du 12e RA, pour la revue ARTI n°8 - janvier 2007

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Des cobras dans l’avion : ce n’est pas ici le titre d’un remake de l’événement cinématographique( ?) de la rentrée, mais bel et bien l’illustration de ce que pourrait être l’année 2006-2007 pour la batterie COBRA du 12e régiment d’artillerie. Récemment rentrée de Bosnie-Herzégovine, où elle a séjourné quatre mois en tant que module LOT [1], l’unité pourrait redécoller dès février 2007 à destination du Liban, afin de relever son homologue du 1er RA.

Investigation et recherche d’informations humaines (mission LOT [2]), acquisition par l’acoustique (SL2A [3]) ou électromagnétique (COBRA), la juxtaposition des récentes missions de l’unité résume à elle seule l’essor que connaît depuis quelques années la dimension renseignement / acquisition au régiment, de même qu’elle reflète en quelque sorte l’aspect « multi sensoriel » de ces capacités (humaines, visuelles, acoustiques ou électromagnétiques).

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Doté du lance-roquettes multiples depuis 1991, le 12 est alors rattaché à la 3e brigade d’artillerie, elle-même subordonnée au 3e corps d’armée.

La puissance de feu considérable, ainsi que l’emploi particulier du système d’armes LRM, dédient le régiment à l’action d’ensemble (contre-batterie et neutralisation du 2e échelon adverse) plutôt qu’à un appui direct des unités de mêlée. En conséquence, il est subordonné à un commandement de niveau corps d’armée ou division (c’est alors toujours la doctrine de la guerre froide finissante qui prévaut). Dans ce cadre, le régiment n’est pas doté de moyens d’acquisition organiques, à l’inverse des régiments d’artillerie canon « classiques » opérant au sein d’une unité interarmes. Un régiment LRM, dont la vocation première consiste à opérer en mode coercitif de haute intensité et dans la profondeur, nécessite qu’on lui désigne ses objectifs « d’en haut » [4] .

L’année 1998 marque un tournant, avec la professionnalisation des armées décidée en réponse à l’évolution du contexte international (chute du bloc de l’est et multiplication des interventions hors de nos frontières). La Brigade d’artillerie est créée, regroupant en son sein les unités sol-air et LRM ayant « résisté » à la vague de dissolutions consécutive à cette mesure.
Afin de diversifier l’emploi de ces unités, de les rendre projetables avec matériel organique, bref de les « optimiser » compte tenu de la nouvelle donne, il est décidé de leur octroyer la « double dotation » (MISTRAL pour les unités sol-air et mortier de 120 mm pour les unités sol-sol). L’arrivée de mortiers de 120 au 12 marque ainsi un « retour vers l’avant », avec la réapparition des équipes d’observation (indissociables de la manouvre mortier), sept ans après leur « éclipse » suite à la substitution du canon par le LRM.
L’on se trouve ici dans une dimension d’acquisition visuelle, puisque l’équipe d’observation « fait l’acquisition des objectifs à vues directes, transmet les demandes de tir et s’efforce d’observer ceux-ci en vue d’en améliorer l’efficacité et d’en assurer l’évaluation  » [5].

1998 est également l’année d’entrée en service du radar COBRA dans l’armée française. Compte-tenu de la dimension particulière de ce matériel, dont la vocation initiale réside principalement dans la contrebatterie (même s’il peut également être utilisé dans le cadre de missions d’interposition, comme c’est actuellement le cas au Liban), la décision est prise d’en équiper les régiments dotés de lance-roquettes multiples, les régiments canon classiques conservant pour leur part l’usage du RATAC et du VOA [6] . Si le 12 doit encore patienter avant de recevoir le radar, 1998 constitue indéniablement un premier tournant pour la fonction « acquisition et renseignement » dans les régiments LRM. Le second, pour le 12, viendra cinq ans plus tard.

Créée en 2003, cinq ans après son homologue du 1er RA, la batterie COBRA doit, dans un premier temps, se préparer à accueillir le radar (constitution d’une ossature, assimilation d’ATLAS COBRA dans la chaîne ATLAS LRM). En octobre 2004, elle se voit confier l’expérimentation du système SL2A, complément dans l’emploi du radar COBRA. En effet, les études menées ont montré la nécessité de coupler le radar avec un système capable de déterminer à quel moment mettre en émission le radar, afin d’éviter qu’il ne soit détecté trop rapidement. Outre de définir l’instant T, le SL2A permet de déterminer l’axe de surveillance du radar COBRA en donnant la zone d’activité de l’artillerie adverse. Ce besoin est particulièrement fort dans les opérations en faveur de la paix, car dans ce cas, il n’y a pas forcément de direction dangereuse prédéterminée.

Enfin, en janvier 2006, deux ans et demi après sa création, la batterie COBRA accueille l’« Arlésienne ». Le premier radar perçu par le régiment passera aussitôt son baptême opérationnel à Canjuers et, le 21 janvier 2006, il détecte son premier tir de mortier pour le compte du 12e RA (cf. article paru dans le numéro précédent d’Arti). Une formation accélérée d’un mois qui permettra au radar de détecter obus de mortiers de 81 et de 120 mm, de canons de 155 mm AUF1 et TRF1, et de roquettes M26 tirées « dans la foulée » par les LRM du 12 sur l’île du levant. Une phase d’expérimentation tactique permettra également à la batterie COBRA de travailler avec son homologue du 1er RA, de s’intégrer au réseau ATLAS canon ainsi que de coupler l’emploi du radar avec celui du système COBALT [7] . Si la projection en Bosnie-Herzégovine (été 2006) constitue un bel exemple de « réversibilité acquisitionnelle » pour l’unité (passage de l’acquisition électromagnétique à l’acquisition humaine), elle marque une parenthèse pour la batterie dans sa mission majeure, mais cette situation ne devrait pas perdurer.

En effet, avec le renforcement de la participation française à la FINUL [8] décidé par le Président de la République à la suite du conflit entre Israël et le Hezbollah au sud-Liban, la décision a été prise d’envoyer un module COBRA sur ce théâtre, taillé sur mesure pour les capacités du radar. Le 1er RA fut donc désigné en septembre, puisque la batterie COBRA du 12, comme nous l’avons vu, était en mission LOT TFSE à cette époque, ce qui signifie donc que le 12 devrait logiquement le relever, sous réserve que le dispositif soit maintenu en l’état. La batterie COBRA, qui a reçu en août ses trois derniers radars et se trouve donc maintenant en dotation complète, dispose à présent de quatre mois pour parachever la maîtrise de son matériel.

A l’heure de s’envoler éventuellement pour le pays du cèdre, les artilleurs du 12 penseront à leurs « anciens du Liban », un territoire qui occupe une place particulière dans l’histoire du régiment, et évoque certaines pages douloureuses. En décembre 1983, le maréchal des logis-chef GENETEL, sous-officier observateur, était tué à Beyrouth par l’éclat d’une roquette. En janvier 2004, le brigadier-chef DOTTESI, appartenant à la batterie COBRA, décédait accidentellement en service commandé à Naqoura.

Cette mission pourrait donc revêtir un aspect symbolique à plus d’un titre.

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[1] Liaison Observation Team, équipe de liaison et d’observation.

[2] La mission LOT ne constitue cependant pas une opération de recueil de renseignements militaires stricto sensu, puisque les équipes œuvrent à visage découvert.

[3] Système de localisation par acoustique de l’artillerie

[4] Cette situation perdure encore aujourd’hui, en dépit de l’arrivée du radar COBRA, qui n’a pas vocation à travailler seulement au profit de sa formation d’appartenance, et peut tout aussi bien être employé au profit d’une unité interarmes ou d’une CTT (composante terrestre de théâtre), comme le rappel l’ART 433. Cependant, l’exercice TOLL, conduit en novembre à Canjuers par la brigade du renseignement et la brigade de l’artillerie, a donné lieu à une coordination de séquences acquisition/traitement en boucles rapides et liaison courtes, montrant la capacité du régiment d’intégrer des capteurs et effecteurs variés dans sa chaîne de commandement en réduisant toute problématique de délais entre plusieurs systèmes de transmissions d’un bout à l’autre de la chaîne.

[5] Mission telle que définie par l’ART 405

[6] Radar d’acquisition et de tir de l’artillerie de campagne ; véhicule d’observation d’artillerie

[7] COBRA alerteur, autre dénomination du système SL2A

[8] Force Intérimaire des Nations au Liban


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