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L’artillerie de position au Tonkin (2ème partie)
 

Cette maison de cantonnier de La Xao, située au milieu d’un bouquet de bambous est un lieu de refuge et de rendez-vous des Viets traversant le pays. Un jour l’officier de renseignement du quartier apprend qu’une réunion importante se tiendrait le lendemain à la maison à partir de 13h30. C’est un objectif à ne pas laisser échapper, mais aucun tir n’a été exécuté dans la région et il n’est pas question d’y faire un réglage.

Heureusement, la carte au 1/25.000e est bonne et la maison y figure ; à huit cents mètres à l’est se trouve un carrefour de piste qui est aussi reporté et qui est vu du poste de Vong-Dan.

Au jour dit, un réglage de précision sera fait sur le carrefour et après un transport de tir, un tir d’efficacité sera déclenché, à cadence maximum.

Ce qui était décidé est exécuté.

Un observateur se rend à 9 heures du matin à Vong-Dan et règle successivement les quatre pièces de sa batterie sur le carrefour.

Attentif à son poste, il remarque des mouvements autour du lieu de rendez-vous, à partir de 13 heures.

A 14 heures, le tir d’efficacité est déclenché : trente six coups, un tiers en fusées à retard, deux tiers en instantanées s’abattent en moins de deux minutes sur la maison. Quand la fumée s’élève il n’en reste que des ruines. D’après les renseignements recoupés d’agents et de supplétifs l’affaire a coûté huit tués et onze blessés aux Viets.

Ce n’est pas lui, par contre, qui a mis en place le tir sur la digue du Song-Lay, mais un Morane. Ce jour-là un avion d’observation d’artillerie ayant été signalé, il a fait mettre, comme cela se pratique toujours, son poste à l’écoute sur la fréquence générale de l’artillerie, commune à tous les Moranes qui n’ont pas de mission particulière.

L’observateur ne tarde pas à lancer des appels et passe le message : "Groupe de combat viet en 58.92 sur le coude de la digue - stop - Patrouille amie sur digue un kilomètre sud-est - stop - Envoyer quatre coups - stop - Annoncez batterie prête".

Un coup de sifflet. Une préparation expédiée et deux minutes après la radio passe "batterie prête". Une première salve en convergence, puis une seconde encadrent l’objectif. Le tir d’efficacité est déclenché aussitôt, vingt-quatre coups arrivent sur le groupe V.M. qui se disperse à toute allure laissant des corps sur l’emplacement occupé et derrière lui des traînards, probablement blessés. La patrouille arrivée sur les lieux après, retrouve quatre cadavres, un F.M., trois fusils, des munitions.

Et bien d’autres de ces numéros de tirs portés sur la carte représentent des ouvertures de routes, des patrouilles accrochées au cours desquelles le D.L.O. a fait régler des tirs, pour protéger nos unités en difficulté ou pour contrebattre l’ennemi dans ses repaires.

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Il a longuement débattu sur la carte l’emplacement des tirs d’arrêt



Aussi maintenant la 172e batterie connaît et possède bien sa zone d’action et le Viet ne peut pas y agir à sa guise sans risque.

Mais elle va avoir à le montrer ; le commandant de quartier vient d’entrer dans son P.C. tenant à la main un télégramme :

"Le secteur me confirme les menaces signalées par mon officier de renseignement.

Un ou deux bataillons du 50 renforcés de régionaux doivent attaquer cette nuit, ou la prochaine, un des postes de la R.P. 58 My Long ou Thu Nat.

My Long avec le P.C. de la compagnie, appuyé aussi par la 128e batterie de position, ne m’inquiète pas trop.

Mais Thu Nat dont la modernisation n’est pas terminée, tenu seulement par deux sections dont une de supplétifs, me préoccupe davantage."

Presque en même temps arrive le radio du réseau d’artillerie qui vient de recevoir de l’artillerie du secteur un message confirmant le renseignement et précisant que My Long serait appuyé par la 128 et que la 172 n’aurait en principe à s’occuper que de Thu Nat. Cela simplifie les affaires.

Thu Nat est un ancien poste en briques et maçonnerie qui a été récemment complètement remanié. . Il comprend maintenant un ouvrage central qui n’est autre que l’ancien poste rasé aux trois quarts et trois blockhaus enterrés, moitié en béton, moitié en matériaux de campagne. Le travail n’est pas tout à fait terminé. Les réseaux de barbelés sont en place, les champs de tir dégagés, les blockhaus achevés, mais le central laisse encore beaucoup à désirer.

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Les guetteurs ont pu localiser l’emplacement de deux mortiers viets....



L’appui d’artillerie prévu comporte quatre tirs d’arrêts encadrant dans le sens du tir et perpendiculairement tout le poste et cinq tirs de protection, l’un sur un pagodon, les quatre autres aux lisières des villages voisins et le long du Rach. Un tir de réglage a été fait sur le but témoin.

Le dossier d’artillerie du poste donne tous les éléments.

Pendant que le lieutenant de tir de la batterie, exploitant le sondage qui vient d’arriver de l’artillerie du secteur, met à jour ses courbes de correction théorique, le commandant de batterie et le commandant du quartier se rendent au poste radio du P.C. Le commandant de batterie prend lui-même le micro, entre en contact avec Thu Nat dont le chef vient aussi à l’appareil.

Quatre coups vont être envoyés sur le but témoin qui permettront de vérifier les éléments de la préparation. Ensuite, le quartier restera à l’écoute permanente et Thu Nat, tant qu’il ne se passera rien, se contentera de faire une prise de contact radio toutes les heures.

Les quatre coups de vérification sont envoyés.

L’écart observé est insignifiant ; il suffira donc dans la nuit de suivre les variations de température aux soutes et à l’extérieur pour tenir à jour les éléments du tir.

Le chef de poste signale qu’il n’aperçoit aucun ennemi et que tout serait normal si les paysannes trottinant sous leurs balanciers, les travailleurs dans les rizières et les pêcheurs sur les arroyos, n’étaient devenus progressivement rares, et lointains.

Une atmosphère inquiétante s’est petit à petit répandue, autour de son ouvrage. Ses Vietnamiens le sentent particulièrement ; ils demeurent silencieux et ne se livrent pas à leurs distractions et à leurs jeux familiers en fin de journée.

Le jour s’achève et chacun prend à ThuNat comme à Long Thanh ses dispositions pour la nuit, prêt à sauter aux postes de combat, les officiers couchés à côté de leurs postes radios.

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