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1942 - L’artillerie française à Bir Hakeim 27 mai - 10 juin 1942 (1ère partie)
 

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« Peu à peu, invinciblement, la France combattante émerge de l’océan qui s’acharna à la recouvrir, et le monde y reconnaît la France. Quand, à Bir Hakim, un rayon de sa gloire renaissante est venu caresser le front sanglant de ses soldats, le monde a reconnu la France. Général Koenig, sachez et dites à vos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil. »
Général de Gaulle

Après l’armistice du 25 juin 1940, la France Combattante poursuit la lutte contre les forces de l’Axe.

Les Forces Françaises Libres (comprenant une artillerie des plus réduite) reprennent le combat en Afrique contre les italiens. Tout d’abord en Libye, où le colonel Leclerc se lance à l’assaut de l’oasis de Koufra (26 janvier - 1er mars 1941). Ensuite, elles interviennent aux côtés des troupes britanniques en Erythrée, lors de la bataille de Keren (15 - 27 mars 1941) puis de la prise de Massaoua (7 - 8 avril 1941). Enfin, toujours aux côtés des forces du Commonwealth, les FFL participent à la conquête de la Syrie (8 juin - 14 juillet 1941) où la 1re Division française libre, nouvellement créée, s’illustre au cours de combats fratricides.

Malheureusement, ces exploits restent largement ignorés par la population française et les alliés n’accordent que peu de crédit à ces troupes valeureuses mais peu nombreuses et encore sous équipées.

L’héroïque défense de Bir Hakeim va radicalement changer la donne.

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La situation en Libye

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© Espace public internet

A bout de forces et n’ayant pu s’emparer du port de Tobrouk, le général Rommel est contraint de s’installer en défensive au cours de l’été 1941. Renforcés, les britanniques reprennent l’offensive le 18 novembre et malgré une défense acharnée, les germano-italiens évacuent la Cyrénaïque. Les forces de l’Axe se rétablissent à hauteur de Marsa-Brega et d’El-Agheila fin décembre. Les britanniques sont épuisés et leurs lignes logistiques sont dangereusement étirées.

Chaque camp entreprend donc de reconstituer ses forces en vue de reprendre l’offensive.

Prêt le premier, Rommel attaque le 20 janvier 1942 et bouscule la VIIIème Armée britannique qui se voit contrainte d’évacuer une grande partie de la cyrénaïque pour éviter d’être tournée. Le 5 février, il s’établit sur la ligne Tmimi - Mecheli - Bir-Garrari, faute de carburant pour poursuivre les opérations. Les britanniques s’installent en défensive, une quarantaine de kilomètres plus à l’est entre Gazala et Bir Hakeim. A nouveau, chaque adversaire reconstitue ses forces en vue du prochain round que chacun souhaite décisif.

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Les idées de manoeuvre allemande et britannique

Les allemands

En vue de s’emparer de l’Egypte, Rommel souhaite, dans un premier temps, lancer une attaque de diversion le long de la route côtière et simultanément envelopper l’aile gauche anglaise (Bir Hakeim) à l’aide de ses unités de chars, puis de détruire les réserves blindés anglaises et enfin de s’emparer de Tobrouk ; dans un deuxième temps, poursuivre en direction du canal de Suez. C’est un plan ambitieux et risqué.

Les britanniques

La position défensive britannique doit jouer trois rôles simultanément : servir de base de départ pour l’offensive prévue en juin, protéger le port de Tobrouk et enfin servir de masque pour contrer toute éventuelle incursion en direction de l’Egypte. Dans cette dernière hypothèse, le général Ritchie envisage dans un premier temps de disloquer ou de stopper l’attaque blindée sur une première ligne de défense constituée de « boxes » entre Gazala et Bir Hakeim qui constitue la position la plus au sud. Puis, dans un deuxième temps de contreattaquer avec ses unités blindées, situées à une vingtaine de kilomètres en arrière, afin de détruire l’Afrika Korps.

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Les français entrent en scène

Le 14 février 1942, la 1ère Brigade Française Libre du général Koenig, composée de volontaires de tout l’Empire, reçoit l’ordre de relever la 150ème Brigade indienne sur la position de Bir Hakeim. L’unité est fractionnée en deux échelons : les éléments de combats regroupés sur le site (3723/5500 hommes) alors que les services administratifs, les trains de combat et l’hôpital de campagne sont regroupés à proximité d’El Adem à 35 kilomètres au nord est.

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Tirant les enseignements de la défaite de 1940, la brigade possède un armement lourd plus important que prévu initialement dans les tableaux de dotation de l’armée française. Ainsi, l’artillerie, représentée par le 1er RAFFL (commandant Laurent- Champrosay ) comprend 24 pièces de 75 sur pneus tractés par des Bedford anglais. La défense sol-air est confiée au 1er BFM (capitaine de corvette Amyot d’Inville) qui met en oeuvre 12 canons de 40 Bofors et 2 affûts quadruples de 13,2mm. En renforcement, le commandement anglais octroie la 43ème batterie de DCA équipée de 6 canons de 40 Bofors.

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La défense antichar n’est pas laissée en reste. L’infanterie met en œuvre 18 pièces de 25mm, 7 pièces de 47mm et 30 pièces de 75mm modifiées. En effet, pour abaisser la silhouette aux vues de l’ennemie, les pièces d’artillerie sont dotées d’essieux et de roues de camion et le masque est réduit en hauteur. Si la brigade est bien fournie en appui feu, elle ne possède aucun matériel lourd ce qui l’empêchera de traiter l’artillerie adverse par la contre batterie.

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Le point d’appui de Bir Hakeim

Situé à environ 65 kilomètres de la mer, la position se situe à l’extrémité sud de la ligne défensive anglaise.

Il s’agit d’un carrefour de piste à côté duquel se dresse un ancien poste méhariste en ruine et un puits comblé. Cette zone est totalement dépourvue de couverts et d’obstacles naturels. Le camp retranché englobe une légère ondulation nord-sud, prés du point coté 186 les deux « mamelles » (déblais de deux anciennes citernes de Bir-el-Harmat) et à l’est de l’ondulation une grande cuvette inclinée vers le nord.

La première préoccupation du général Koenig est l’organisation du terrain : préparation des positions d’infanterie, d’artillerie et pose de champs ou de marais de mines. De son côté, le commandant Laurent- Champrosay installe ses 4 batteries (à 3 sections de 2 pièces) aux angles du réduit, de manière à couvrir l’intégralité du champ de bataille et aptes à tirer tout azimut. Les pièces sont enterrées et non alignées de manière à être moins vulnérables. Par ailleurs, des plans de feux très élaborés sont définis. Enfin, les positions de batteries sont protégées par des 40 Bofors.

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En attendant l’offensive Les deux armées s’observent, par voie aérienne ou par l’intermédiaire de colonnes, destinées à sonder le dispositif adverse et à détruire les unités ennemies qui se déplacent dans le no man’s land séparant les deux adversaires. Côté allié, c’est le temps des « jock columns ». Ces groupements interarmes regroupent diverses unités : 1 à ½ compagnie d’infanterie sur Bren Carrier , 1 batterie d’artillerie tractée, 1 à 2 sections de 40 Bofors et parfois quelques 75 antichars portés. Pour assurer les liaisons internes ou externes, toutes les unités sont généreusement dotées en postes radios. Ces missions durent une quinzaine de jours. Dés son retour, la « jock column » est relevée par une autre. Cela permet d’aguerrir les troupes et de recueillir du renseignement. Ces missions se révèlent souvent à haut risque.

« Hier matin, à Bir el-Hamarin, la section Quirot tire sur une dizaine de chars à 400 mètres environ, en brûle un et fait fumer un autre qui part en remorque. L’après-midi (13h15 environ), grosse attaque de chars, avec artillerie de campagne. Quirot est en premier échelon, Emberger en deuxième, le tout sous le commandement de Simon. Gros engagement et repli par échelon fort bien exécuté. Malheureusement, deux tracteurs et un canon d’Emberger s’enlisent, le canon décroche et stoppe un char à 600 mètres, mais enlisé aussi ne peut attaquer deux autres qui foncent à 400 mètres en tirant. Emberger avec un beau coup d’oeil fait replier le personnel en laissant le matériel qu’il n’a le temps ni de sauver ni de détruire. Quirot réinstallé sur la crête suivante ouvre le feu et sauve la situation » (rapport du Capitaine Bricogne 1er RAFFL, 15 mars1942).

Le 14 avril, la colonne du BLE 2 (13ème DBLE ), qui se déplace par bonds successifs, s’approche trop près de l’échelon commandé par le capitaine Chavanac (commandant la B2). La batterie est prise sous le feu des 105 allemands. A trois reprises, le capitaine Brunet de Sairigné (Légion), appuyé par un 75 tire sur les chars puis sur les camions d’accompagnement.

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La riposte adverse est mal ajustée. Les 40 Bofors tirent sur les Messerschmitt 109 qui font des passes et en abattent un. Finalement la colonne se dégage.

Les missions s’enchaînent. Le 26 mai, les deux batteries qui sont de sortie se replient devant la très forte poussée des germano-italiens.

Pour en savoir plus sur les opérations de l’artillerie, lisez :Des Canons et des hommes, par le col (R) Patrick Mercier, Lavauzelle, 2011, 432 pages (Disponible à la boutique du Musée de l’artillerie).


1 Box : camp retranché apte à se défendre tout azimut et protégé par des champs de mines occupé par une unité du volume d’une brigade.
2 BFL : Brigade Française libre.
3 1er RAFFL :1er Régiment d’Artillerie des Forces Françaises Libres.
4 BFM : Bataillon de fusiliers-marins.
5 Jock column : groupement interarmes à vocation de reconnaissance et interception du nom de son créateur le général Jock Campbell.
6 Bren Carrier : transport de troupe chenillé capable de transporter ½ groupe de combat et armé d’une mitrailleuse.
7 BLE 2 : Bataillon de Légion étrangère N°2.
8 DBLE : Demi-brigade de Légion étrangère.
9 25 pounder : excellent canon de l’artillerie de campagne britannique d’un calibre de 87,6mm, portée 12000 m.
10 BP : Bataillon du Pacifique.
11 BM 2 : Bataillon de Marche N°2.
12 Flak : DCA allemande.
13 BIM : Bataillon d’Infanterie de Marine.

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